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Des tableaux de fil de laine... pour quoi?

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A l’origine, les tableaux étaient des offrandes aux Dieux, on peut en voir encore aujourd’hui dans les lieux sacrés, j’en ai vu dans une grotte à Haramara’tsié, la demeure de la déesse de la mer.

En fait, il faut distinguer les tableaux destinés aux Dieux, ceux qui sont déposés et parfois cachés dans les lieux sacrés, et les tableaux qui sont faits pour être vendus.

Parmi ces tableaux à vendre, on trouve de belles œuvres d’art qui illustrent la culture huichole et ont un rôle de transmission et de connaissance, quand ils sont réalisés par des artistes cultivés et respectueux de leurs traditions.

Les artistes Wixaritari-Huichols représentent, dans leurs tableaux de fils de laine, leur univers, leurs cérémonies, leurs offrandes rituelles et parfois, mais pas toujours, les visions qui leur apparaissent quand ils ont consommé le Peyotl ou Peyote.

Niérika Peyotls - Brenda  Benítez Chávez.

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Le Peyotl est "une plante de vision", un psychotrope, c’est un cactus rond et sans épines, sacré et essentiel pour eux, qu’ils "chassent" depuis toujours dans le désert de Wirrikuta, au nord-ouest du Mexique. Certains historiens pensent que le pèlerinage à Wirrikuta a débuté il y a  trois mille ans.

 

Le pèlerinage annuel à Wirrikuta ("là où se lève le Soleil" en langue Wixárika) est une longue marche de plusieurs semaines pendant lesquelles les pèlerins, menés par les Chamanes, se purifient physiquement et mentalement, purification nécessaire pour consommer le Peyotl et bénéficier des visions qui leur apparaissent alors. Elles aideront les Chamanes à prendre les bonnes décisions et les artistes à voir l’autre monde.

 

Pour les artistes wixaritari, "ces visions sont un don des dieux et les tableaux qu’ils en tirent, de véritables miroirs des dieux." 

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On retrouve dans ces tableaux de fil de laine, très colorés, les animaux sacrés (le Cerf, souvent symbolisé simplement par ses ramures, le Serpent lié à l’eau et protecteur, l’Aigle, un des messagers des Dieux, le

Scorpion, le Colibri, autre messager, la Colombe, Mère du Maïs) et le maïs, les fleurs, les plantes et le peyotl, la calebasse  remplie d’offrandes.

Sont représentés aussi, le Chamane, le Maraka'ame, avec son bâton de pouvoir à plumes d’aigle et des personnages, hommes, femmes et enfants qui ont contribué à la naissance du Monde.

Photo de Marina Anguiano.

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Photo prise par Marina Anguiano

Certains tableaux sont l’illustration d’un épisode de la Création du Monde, comme "la Naissance du Soleil", d’autres tableaux, appelés niérika, qui sont des mandalas avec, au centre, le point qui permet d’accéder à

"l’Autre Monde", l’axe qui réunit le Ciel et la Terre.

 Parfois, les artistes donnent leur propre interprétation du tableau, mais nous avons souvent bien des difficultés à concevoir ce qui est représenté, même avec une explication.

Les Wixaritari-Huichols ont une conception du Monde très différente de la nôtre et notre logique occidentale limite notre compréhension.

En réalité, il y a peu d’artistes, peu de vrais créateurs... les grands artistes sont souvent des Chamanes car ce sont eux qui connaissent la culture du peuple Wixárika et peuvent la transmettre en peinture de laine. 

Il y a  beaucoup d’artisans qui font, avec plus ou moins de bonheur, des variations sur le même thème.

Quelques uns cependant sont inspirés et réalisent de belles œuvres.

Aujourd’hui, il faut dire que le pèlerinage ne se fait plus à pied mais en camionnette, peut être pour gagner du temps, et sans doute pour se protéger des narcotrafiquants qui n’aiment pas qu’on traverse "leur territoire"…

la période de préparation mentale et physique n’est plus la même, moins de temps pour écouter le Chamane raconter les origines du monde, moins de communion avec la Terre-Mère.

A cela, il faut ajouter les amateurs de drogues qui saccagent le territoire sacré du Peyotl et les touristes ... la voracité des multinationales et des religions venues du voisin du nord ou de Corée... 

La culture ancestrale du peuple Wixárika  est aujourd'hui en grand danger.

Tous les peuples premiers du monde sont aujourd'hui en grand danger, pour les mêmes raisons. 

 

                               Cependant l’Art Wixárika est en passe d’être déclaré

                                 Patrimoine Culturel de l’Humanité par l’UNESCO.   

Les Artistes

Eligio Carrillo Vicente  Chamane et artiste

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Eligio Carrillo Vicente a une grande connaissance de la culture de son peuple.

Il connaît les histoires des Dieux Huichols, de la conception et la naissance du monde, il dirige les cérémonies depuis des dizaines d’années, il a visité tous les lieux sacrés et fait de nombreuses fois le pèlerinage à Wirrikuta, il a reçu les conseils des Dieux envoyés par leurs messagers, il a eu les visions envoyées par les Dieux grâce au Peyotl.

Il est Chamane et artiste et ses tableaux sont un véritable enseignement.  

C’est lui qui dessine sur la cire, mais don Eligio n’a pas le temps ni, aujourd’hui, la vue nécessaire pour remplir le tableau alors, il délègue à son épouse ou à d’autres artisans.

Evaristo Benítez Díaz Chamane et artiste

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Don Evaristo est un Chamane artiste, un Maraka'ame.

Son grand-père lui a donné le nom de Uma Temay, "celui qui a le don du dessin".

A 6 ans, il a entamé une série de pèlerinages à Wirikuta avec ce grand-père qui lui a raconté les histoires essentielles de la culture Wixárika et la coutume.

A 12 ans, il a trouvé lors d'une longue marche, une pierre gravée où apparaissait un cerf et un peyotl, c'est cette pierre qui l'a mis sur le chemin du "dessin", de la transcription de son monde sur des "tablas", des tableaux de fil de laine sur cire.

Pendant 12 ans, don Evaristo s'est consacré corps et âme à sa formation de Chamane -artiste-guérisseur, longue période de visites et cérémonies aux nombreux lieux sacrés du territoire Wixárika, de sacrifices et d'abstinence. Une fois terminée sa formation de Maraka'ame, (Chamane), il s'est marié et quelques années plus tard, il est tombé malade et il ne peut plus marcher. Les Dieux m'ont puni, dit-il, de ne pas avoir exercé mon don de guérisseur et d'avoir été égoïste... mais il continue à croire en sa bonne étoile et réalise des tableaux merveilleux et riches de tout son savoir... il vit dans le petit village de Huanacaxtle, pas loin de la belle maison de Don Eligio, dans une maison de terre très pauvre, entouré de sa famille qui l'aide à confectionner les tableaux. 

Il m'a paru heureux... pour lui et sa famille, la vente de ses tableaux est indispensable.  

Antonio Cosío de la Cruz

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Antonio est le premier Wixárika-Huichol que j’ai connu, à Fresnillo, petite ville, proche de Zacatecas où j’ai séjourné pendant quelques mois comme professeur de Français.

J’ai d’abord connu sa fille, très jolie et souriante, qui vendait sa production de bijoux de perles sur le marché et ensuite son père qui reproduisait des tableaux d’artistes.

Ce n’est pas un artiste mais un très bon artisan qui vit de la confection de tableaux. Vivant loin de la ville et des centres touristiques, il travaille pour un revendeur.

Antonio vit avec sa famille en ville et ne retourne plus dans son village d’origine, difficile d’accès, dans la montagne.

Il n’a pas fait le pèlerinage à Wirrikuta depuis trop longtemps et a perdu en partie sa culture. Il ne sait pas expliquer le sens profond des tableaux qu’il reproduit mais il les choisit très bien et il a le sens des couleurs.

Je l’ai connu il y a une quinzaine d’années, peut être a-t-il eu envie depuis de reprendre contact avec sa culture.

Pendant mon séjour à Fresnillo, je suis allée chez Antonio plusieurs fois et je lui ai acheté plusieurs tableaux.

C’était la première fois que la famille recevait une étrangère qui, de surcroit, trouvait leur travail intéressant et aimait passer des heures à parler avec eux. Nous avons lié amitié et quand mon séjour allait se terminer, Antonio m’a montré comment étaler la cire sur une planchette de contre plaqué et incruster, bien serrés, les fils de laine.

Il m’a donné des conseils qui m’ont été précieux et c’est grâce à lui et à sa générosité confiante que j’ai commencé à copier moi aussi des tableaux et surtout à m’intéresser à leur sens profond et donc à la culture de ce peuple qui me passionne depuis ces quelques mois passés dans cette petite ville de Fresnillo.

Fidencio Benítez Rivera

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Fidencio est le digne héritier de son père, le grand artiste et Chamane don José Benítez Sánchez.

 

Fidencio a beaucoup de frères et sœurs vu que son père a eu onze femmes, sans doute pas toutes en même temps, mais la monogamie n’est pas obligatoire chez les Huichols…

Fidencio nous a raconté que son père l’emmenait avec lui au pèlerinage à Wirrikuta à partir de l’âge de douze ans, et à cette époque, c’était à pied…

400km à pied, ça donne le temps de raconter et d’écouter l’histoire du Monde, la Panthéon des Dieux, la naissance du Soleil et celle de la Lune, le Peyotl, le Cerf Bleu, la mère du Maïs, l’Aigle messager etc… de s’arrêter pour honorer les lieux sacrés, une grotte, une pierre, une mare… pour passer des nuits à écouter les chants des Chamanes et pour rêver…

Aujourd’hui, Fidencio travaille beaucoup, c’est un artiste qui sait transmettre dans ses magnifiques tableaux ce qu’il a appris et ressenti avec son père. Son fils de treize ans aime le regarder travailler et il est fier de son père. Mais Fidencio est timide et il ne se livre pas facilement… 

Hilaria Chávez Carrillo

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Hilaria est la dernière épouse de José Benítez Sánchez.

C’est la maman de Brenda.

Elle a beaucoup travaillé pour son mari, a appris à remplir les tableaux et à trouver l’harmonie des couleurs.

Dix ans après la mort de son époux, Hilaria imagine ses tableaux et fait des merveilles.

 

Elle m’a généreusement conseillée lors de mon "stage" avec elle et ses filles.

Brenda Benítez Chávez

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Brenda avait dix ans quand son père José Benítez Sánchez est mort.

Elle est fière de son père, mais elle n’a pas bénéficié de son enseignement  et n’a sans doute pas eu encore la possibilité de s’approprier la culture wixárika. Voilà une jeune femme wixárika qui vit en ville et qui a plaisir à s'exprimer dans sa langue Wixárika, qui se perd peu à peu parmi les jeunes. 

Elle transmet dans ses tableaux les histoires que sa mère, Hilaria, lui raconte.

J’espère qu’elle pourra et qu’elle saura aller plus loin dans la connaissance de sa culture.

Luciana Benítez Rentería

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Luciana est une des filles du grand artiste et Chamane

don José Benítez Sánchez, mort en 2009.

Elle vit de la confection de ses tableaux.

Son mari, Omar, travaille avec elle et tous les deux initient leur jeune fils Alam à la confection des tableaux. 

Ils m'ont généreusement accueillie dans leur patio-atelier.

Elle présente ici son dernier tableau qui est un hommage à Tateï Haramara, la Déesse de la mer et de l'eau dont la demeure est un grand rocher blanc au large de San Blas (Nayarit).

Tateï "Haramara" – Zitakua – 2019.

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